Ils ont en quelque sorte pris le goulot par les cornes. Patrick Péchard et Gilles Gouttenoire, président et directeur de la Commission commerciale viticole (CCSV) du Beaujolais, font partie des initiateurs de Viniscan. Fin novembre, cette application a été lancée en direction des vignerons français pour leur permettre de créer des QR codes afin de dématérialiser les informations relatives aux ingrédients et à la valeur nutritionnelle des bouteilles de vin (lire notre édition du 4 janvier). Une obligation d'étiquetage européenne datant de 2011, dont avaient été exemptées les boissons alcoolisées jusqu'ici, ce qui n'est plus le cas depuis le 8 décembre 2023. "Au travers de la CCV, on travaille régulièrement avec la Champagne sur des dossiers qui nous concernent comme les fichiers mauvais payeurs, explique Patrick Péchard, également viticulteur à Régnié-Durette. Dans ses échanges, Gilles a eu vent fin 2022 de l'application prochaine de la réforme et c'est comme ça que ça a démarré." Le but : éviter d'alourdir les étiquettes avec cette somme d'informations supplémentaires.
Une application qui se veut être évolutive La CCV, en collaboration avec ses confrères de la Marne, s'est alors penchée sur des solutions techniques à animer au niveau de toute la filière viticole française. "L'étiquetage, 'est du commerce donc ça nous concernait, mais on ne savait pas que ça prendrait cette ampleur et où on mettait les pieds", ajoute le président. Cette réflexion a débouché sur cette idée de QR code, approuvée par les instances de l'Union européenne (UE) et qùi a fait l'objet d'une ébauche de réunion de présentation le 12 janvier 2023 aux viticulteurs beaujolais adhérents de la CCV (lire notre édition du 19 janvier2023). Depuis, le travail s'est articulé autour de la solution Viniscan, développée par Absomod Group, société notamment basée en Champagne-Ardennes. "On a vu beaucoup d'applications qui n'étaient pas conformes, que ce soit au niveau de la sécurité, de la protection des données, ou alors trop chères, détaille Gilles Gouttenoire.
Il y avait aussi la question de la pérennité dans le temps de l'application car toutes les informations doivent être accessibles durant toute la vie du produit. C'est pour ça qu'on ne pouvait pas choisir une startup qui risquait de couler dans trois ans." La CCV et la Champagne ont donc établi un cahier des charges pour permettre d'englober au mieux tous les vignobles hexagonaux et d'anticiper les réformes à venir. "Dans quatre ou cinq ans, il y aura une remise à plat de l'étiquetage agro-alimentaire donc ilfaut qu'on soit très carré", ajoute le directeur de la commission. Ainsi Viniscan pourra intégrer de futures mentions obligatoires et s'adapter au gré des réglementations. Côté prix, les professionnels devront débour ser 150 € par an (contre en moyenne 300 à 500 € chez d'autres) pour un nombre illimité de QR codes à créer. Toutes les informations sont dispo nibles dans les 24 langues officielles des pays de l'UE.
Une solution adoptée par plusieurs vignobles
Depuis, le partenariat englobe aussi le Languedoc-Roussillon, le Bugey ou encore le Val de Loire. La conséquence d'un vrai travail de terrain pour le duo de la CCV. "On est allé montrer à Perpignan et Carcassonne à la demande de la fédération qui gère les AOC du Languedoc qui ont vu qu'une solution de filière émergeait et qu'il était important de la faire connaître" raconte Patrick Péchard. Il a donc fallu se transformer en véritables VRP de la solution pour en traîner le monde du vin français dans l'aventure.. Un combat qui semble porter ses fruits. Près de 2 000 vignerons ont testé et approuvé le système, notamment pour sa simplicité.
Si la CCV est parvenue à intégrer des rubriques supplémentaires pour faciliter la traçabilité des produits, notamment pour les lots en vrac, elle n'a pas tout obtenu. Alors qu'elle espérait pouvoir mettre en place un QRcode par domaine pour faciliter le travail des petits exploitants, l'option a été refusée. "Il faut que ce soit cloisonné et que seules les informations de la bouteille concernée y soient" regrette Gilles Gouttenoire.
Si certains domaines ont déjà pris en main l'outil, la plupart ont jusqu'à la fin de l'année 2024 pour se doter d'une solution. Les mentions réclamées seront obligatoires sur l'étiquetage des vins commercialisés en France et dans l'Union européenne dès la récolte 2023 pour les vins mousseux et dès la récolte 2024 pour les vins tranquilles.